Garo Paylan secoue (encore) la Turquie

Analyse
Daniel
Daniel
26 avril 2022 - 2 min de lecture
Garo Paylan secoue (encore) la Turquie

Garo Paylan est 1) un député turc 2) du parti HDP, pro-kurde 3) d'origine arménienne.

Outre cet incroyable mélange, l'homme est connu depuis des années pour relancer la question du Génocide des Arméniens de 1915 dans les terres même où il a eu lieu : la Turquie. Cela lui a valu des menaces de mort à maintes reprises.

Et cette année, Paylan a encore bouleversé les choses en soumettant un projet de loi visant à reconnaître le Génocide des Arméniens. En Turquie.

Le texte exige, en plus de la reconnaissance du génocide :

  • de nommer les responsables
  • de retirer leurs noms des lieux publics
  • de renommer ces lieux d'après les fonctionnaires qui se sont opposés au génocide
  • d'octroyer la citoyenneté turque aux victimes et à leur famille.

L'approche de Paylan est fascinante par sa position unique : citoyen turc, élu turc, il estime à juste titre que c'est à la Turquie de faire le ménage dans son histoire.

Le texte soumis au Parlement contient notamment ce passage :

Si une telle chose se produit, ce que les dirigeants et les parlements des autres pays en diront n'aura aucune importance. Seule la société turque peut guérir les blessures du peuple arménien. Le génocide arménien a été commis sur ces terres, et la justice ne peut être établie qu'ici, en Turquie.

Bien entendu, dans un pays qui continue d'opprimer ses minorités, un tel texte n'allait pas laisser le pouvoir indifférent.

Le parti AKP du président Erdogan a rapidement réagi en laissant entendre qu'il lancerait des poursuites judiciaires contre Garo Paylan.

Leur porte-parole a mentionné un acte "politiquement immoral", et exigé des "excuses au peuple turc".


Cet épisode donne un aperçu très intéressant de la mentalité ambiante qui règne en Turquie autour de la question du génocide de 1915 :

  • Soumettre une loi visant à le reconnaître est considéré comme immoral.

  • Les auteurs reconnus du génocide ont des lieux publics à leur nom.

  • Un député qui ose ouvrir la question est menacé de poursuites judiciaires.

  • La mention d'un peuple turc, qui serait comme insulté par les revendications de ses minorités, montre à quel point le nationalisme et ses dérives racistes sont ancrés dans l'appareil d'État turc.

Malgré le consensus international sur la question, avec notamment la reconnaissance l'an passé des États-Unis, la Turquie nie toujours tout en bloc.

Et elle n'a pas l'air d'être prête à changer de cap.